Le Luxembourg s’apprête-t-il à affronter une vague de grande démission ?

Grande démission Luxembourg

Juillet 2020, des millions d’Américains quittent leur travail. La raison ? Pour certains une profonde insatisfaction quant à leurs conditions d’emplois, pour d’autres une envie de reprendre le contrôle sur leur carrière. Appelée « Grande Démission », cette vague de départ peut-elle toucher le Luxembourg ? Pour le moment, nous ne constatons pas de signaux alarmants, mais plutôt des changements de comportements de la part des salariés. Entre la nouvelle génération toujours prête à découvrir de nouvelles opportunités de carrière et les plus seniors qui ont goûté au travail hybride et l’ont apprécié, les employeurs doivent faire preuve d’agilité pour conserver leurs talents.

La pandémie mondiale a ouvert le champ des possibles

Aurions-nous été trop occupés ces dernières décennies pour prendre le temps de penser à nos envies ? En nous obligeant à ralentir ces deux dernières années, la pandémie aurait-elle ouvert la boîte de Pandore ?

Non, au contraire ! Ces multiples confinements et ces obligations de télétravail ou de travail hybride ont plutôt ouvert aux salariés le champ des possibles. D’ailleurs, à quelques semaines de la fin de l’accord exceptionnel concernant le télétravail signé entre les pays frontaliers et le Luxembourg, le manque d’entrain des travailleurs pour un retour à temps plein au bureau est bien palpable. Entre négociations de reprise, demandes de temps partiel et parfois même démission, les départements RH des entreprises luxembourgeoises sont confrontés à de nouveaux défis : remotiver les équipes et conserver leurs talents. La situation est complexe, certes, mais en rien comparable à la Grande Démission américaine…

Les salariés ont un rapport de plus en plus consumériste au travail


Il n’est pas rare de rencontrer des candidats qui ont démissionné avant même d’avoir signé un autre contrat de travail.

Nathalie Delebois – Do Recruitment Advisor

On peut affirmer que pour beaucoup, le travail n’est plus considéré comme un moyen privilégié de se réaliser. Les salariés ont un rapport de plus en plus consumériste au travail, surtout les plus jeunes qui ne veulent plus travailler dans les mêmes conditions qu’avant et pour qui le salaire est primordial. Ce phénomène crée d’ailleurs une inflation de salaires pouvant devenir néfaste pour la compétitivité du pays.

Cette situation est incontestablement confortable pour les candidats qui ont le choix, mais tellement complexe pour les entreprises qui vont devoir être créatives pour attirer et garder leurs talents ! Il faut noter que le niveau de chômage est historiquement bas à Luxembourg avec un taux de 4,7 % pour avril 2022. Ce qui explique que le marché du travail est très porteur, et les candidats sont bien conscients qu’il est plus facile de trouver un nouvel emploi.

Des jeunes en quête de sens, de diversité, de défi et de flexibilité

Équilibre entre vie personnelle et professionnelle, besoin de se sentir utile, intégrer une entreprise à l’écoute du bien-être des salariés… la nouvelle génération a d’autres attentes vis-à-vis du monde du travail. S’ils ne trouvent pas un plein épanouissement dans leur fonction actuelle, ils n’hésiteront pas à démissionner déclarent les consultants de RH Lab. Force est de constater que rester dans une entreprise 20, 30 ou même 40 ans se fait de plus en plus rare. Surtout que le digital facilite l’accès aux offres d’emplois. Même les salariés en poste et pas à l’écoute du marché se voient proposer des offres correspondant à leur profil.

D’un côté, des entreprises qui doivent agir pour retenir…

C’est vrai, poursuit Nathalie Delebois, les talents sont de plus en plus exigeants, veulent plus d’autonomie, de liberté, de flexibilité. Ils aiment aussi avoir de la reconnaissance, de la transparence et de la bienveillance, le tout dans un cadre de travail agréable où l’entente entre les collaborateurs favorise l’ambiance au travail. Les entreprises doivent agir et réagir. Et elles n’ont qu’à bien se tenir si elles ne souhaitent pas voir leur marque employeur dévastée en un clic comme en témoigne le compte Instagram récemment créé qui invite les salariés du Grand-Duché à témoigner sur leurs conditions de travail.

De l’autre, des talents prêts à prendre des décisions radicales


Le mot « démission » n’effraie plus autant qu’avant.

RH Lab.

Oui, nous constatons que les salariés sont enclins à prendre des décisions radicales de changement de carrière professionnelle, poursuit Nicolas Hurlin, fondateur de The Recruiter. Ils sont prêts à se construire une nouvelle carrière dans un autre secteur ou ont simplement envie d’exercer leur métier dans un autre pays. Cela est révélateur de la quête de sens mais aussi d’un quotidien professionnel apportant un bien être intellectuel et un sentiment d’utilité au-delà de l’aspect pécuniaire de la fonction.

Pas de grande démission mais des salariés prêts à mener leur barque


En soi, le fait de rechercher l’environnement de travail idéal n’est pas nouveau. Ce qui l’est est le fait que les salariés ont conscience de la valeur de leurs compétences éducatives et professionnelles et souhaitent « mener leur barque » en toute autonomie.

Nicolas Hurlin – The Recruiter

Le phénomène de la grande démission ne semble pas être présent au Luxembourg, mais il se manifeste sous d’autres formes plus modérées :

  • statut d’indépendant ;
  • temps partiel accru ;
  • forte demande d’équilibre vie privée / vie professionnelle ;
  • jours de congé supplémentaires ;
  • refus de responsabilités croissantes.

Pour certains, la liberté s’acquiert par le passage au statut d’indépendant, de freelance. On le constate d’ailleurs beaucoup dans les métiers IT. Nous constatons aussi une demande de réduction du temps de travail « classique » pour se consacrer à temps partiel à une autre activité plus ludique et parfois rémunératrice. Dans certains cas, le hobby devient une réelle activité et prend le pas sur le métier initial.

Non, le Luxembourg ne s’apprête pas à affronter une vague de grande démission, mais il va lui falloir apprendre à composer avec des travailleurs dont les motivations ont changé. Quant aux entreprises, si elles veulent éviter l’exode de leurs salariés, il leur faudra bien d’autres atouts que celui du salaire, et cela passe par un travail de fond sur leur marque employeur.

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