Que faut-il penser du recrutement en distanciel ?
Depuis plus d’un an, nous avons appris à vivre dans un contexte de crise sanitaire sans précédent, nous obligeant à réorganiser nos vies. Au premier plan, le travail, qui a dû parfois se transformer et se digitaliser plus rapidement que prévu. L’entreprise digitalisée ou en cours de digitalisation est une entreprise qui continue à créer de la valeur avec des aménagements conséquents pour ses collaborateurs, passés par la force des choses à du 100% télétravail. Dans cette même logique, les entreprises continuent à recruter des collaborateurs. Que ce soit en interne ou bien sous la responsabilité d’un cabinet, le recrutement d’un candidat s’inscrit actuellement dans un processus majoritairement digital. Qu’en pensent les candidats ? Qu’en pensent les professionnels du recrutement ? Comment démarrer sa mission dans une entreprise alors qu’on n’a jamais rencontré personne en vrai ? Qu’adviendra-t-il de l’évolution des process de recrutement et plus largement du télétravail une fois que la crise sera terminée ?
L’impact du télétravail sur les processus de recrutement
La généralisation du télétravail a amené les entreprises à digitaliser tout le process de recrutement, depuis le sourcing jusqu’à l’onboarding. Il y a bien évidemment des avantages comme des inconvénients dans cette démarche devenue, par la force des choses, 100% digitale.
Disponibilité et flexibilité
Le premier avantage est celui de la disponibilité des candidats. Plus besoin en effet d’attendre que le postulant prenne un congé ou soit joignable uniquement en fin de journée : avec le télétravail, la flexibilité est de mise et raccourcit considérablement les délais dans la prise des rendez-vous. Cette flexibilité et l’absence de déplacements physiques permettent également aux recruteurs de rencontrer davantage de candidats.
La visioconférence prend le pas sur les face à face
Les entretiens qui étaient quant à eux, majoritairement organisés en présentiel avant la pandémie, se sont transformés en visioconférences, ce qui induit forcément une expérience très différente. Par-delà les défis techniques que cela représente (tout le monde ne possède pas un ordinateur puissant et/ou récent, ni forcément une connexion stable), la visioconférence, même si elle reproduit à l’identique le processus « physique », ne permet pas de percevoir les subtilités du langage corporel ou encore toutes les qualités relationnelles que peut avoir un candidat. D’un point de vue client, l’impact le plus important est celui de comprendre la société, ses valeurs et son environnement : cela est plus difficile à percevoir et à appréhender à travers une visioconférence qu’en rendez-vous au sein de leurs locaux.
Digitalisation ne veut pas forcément dire accélération
Enfin, compression de l’espace ne rime pas forcément avec compression du temps. Rassurer les candidats comme les clients, accompagner les candidats à passer des entretiens jugés plus difficiles qu’en présentiel, car ne laissant aucune chance à un manque de préparation, multiplier les intervenants… Autant de défis à relever qui allongent au final le temps de recrutement. Car il est souvent plus difficile pour les candidats d’accepter une proposition d’embauche sans avoir visité les locaux de l’employeur ni avoir rencontré les équipes pour de vrai… Donc, à ce stade on perçoit dans cette nouvelle donne plus d’avantages pour les recruteurs que pour les candidats.
Comment accueillir les nouveaux collaborateurs dans ces conditions
Même si c’est devenu actuellement la norme au Luxembourg compte tenu du contexte sanitaire, il reste difficile de réaliser un onboarding qualitatif à distance. Comment en effet former un nouveau collaborateur sur un système propre à sa nouvelle entreprise ? Comment présenter un nouveau collaborateur aux équipes ? Comment garder motivé un collaborateur s’il travaille à distance dès le premier jour ?
Accueil et formation
En termes de méthodologie, l’onboarding à distance oblige les entreprises à mieux s’organiser en amont dans l’accueil du nouveau collaborateur à distance qui ne laisse place en effet à aucune improvisation. La documentation (webinars, présentations) et la planification prennent plus d’importance dès l’accueil du candidat. L’accueil, même en distanciel, se fait de manière personnalisée avec une présentation auprès des différents membres de l’équipe. Distanciel ne veut pas dire déshumanisé. Enfin, l’onboarding ne se fait pas systématiquement en 100% distanciel.
Privilégier un onboarding physique
On observe notamment que dans les petites structures l’accueil en présentiel est souvent privilégié, quitte à ce que le nouveau collaborateur ne soit présent que pendant une partie de la semaine. Privilégier un onboarding physique, au moins durant les premiers jours de l’arrivée du collaborateur, est ce que nous préconisons à nos clients en qualité de représentants de la profession. Bien évidemment les mesures de distanciation physique et les règles de sécurité sanitaire doivent être scrupuleusement observées. Il faut garder à l’esprit que les premiers jours d’un collaborateur au sein d’une entreprise sont déterminants. Une nouvelle intégration est toujours une chose complexe, même en temps normal.
Garder un collaborateur motivé
Si par la force des choses les employeurs ont dû revoir les processus d’intégration et de formation, cette nouvelle donne nécessite chez le nouveau collaborateur d’avoir de vraies qualités de communication et d’agilité. Sans cela, difficile de garantir que les choses se passeront en fluidité, avec à terme un candidat épanoui. Le risque majeur est en effet celui d’un repli sur soi et d’un manque de confiance. Lorsque l’onboarding se fait en 100% distanciel, des points de suivi doivent être organisés chaque jour, surtout pendant les premières semaines.
Les incidences en termes contractuels et juridiques
En termes de télétravail
Actuellement on peut difficilement parler d’incidence juridique dans la mesure où l’ensemble des obstacles à l’instauration du télétravail généralisé a été levée par le gouvernement pour faire face à la crise sanitaire. Ces incidences auront plutôt lieu post-covid et des amendements juridiques sont à prévoir si le télétravail persiste au-delà de la crise sanitaire. En effet, à terme, les contrats pourraient susciter plus de négociations sur différents sujets tels que le matériel mis à disposition par l’employeur (téléphone, ordinateur de portable, chaise de bureau, etc.), la réduction de la durée de la période d’essai durant la période de pandémie et le nombre de jours de télétravail maintenus après la pandémie.
En termes de contractualisation
La signature officielle du contrat de travail peut être retardée, du fait de l’absence de certains signataires. Une démission peut être donnée en retard par un candidat parce qu’il n’a pas eu l’occasion de croiser son manager et n’a pas souhaité pour autant envoyer de courrier recommandé, préférant une remise en mains propres.
Ces changements deviendront-ils la norme ?
Que va-t-il se passer par la suite pour un candidat recruté dans ce contexte si particulier ? Que va-t-il advenir du télétravail généralisé ? Il pourra en effet paraître compliqué de revenir complètement en arrière en termes de télétravail, c’est-à-dire repasser à 100% en présentiel, et ce pour plusieurs raisons.
Externalisation et réduction des coûts immobilier
La crise sanitaire et les nouvelles organisations du travail qui en découlent ont contribué à faire accélérer la transformation digitale de certaines entreprises. Cette nouvelle donne facilite l’externalisation de certaines fonctions à l’étranger et réduit les coûts immobilier en termes d’effectif et de taux d’occupation.
Deux cas de figure
Certains collaborateurs se plaisent en télétravail. Ils ont plus de temps à la maison, des horaires plus flexibles, pas de temps ni de pénibilité de transport. D’autres ne parviennent plus à travailler « seuls » : sans lien réel avec leur équipe ils ont besoin de cette culture d’entreprise ce sentiment d’appartenance, plutôt mis à mal avec le distanciel, pour avancer.
Vers une forme plus hybride
Forts de toutes ces mutations, une minorité d’entreprises évoluera vers une culture où le télétravail deviendra la norme, tandis que la majorité des organisations s’orientera vers une logique de l’équilibre, où le travail au bureau sera aussi important que le travail à la maison.
Les freins à l’hybridité
Selon Corinne Cahen, ministre de la Grande Région, 53% des postes en entreprise peuvent être exercés en télétravail. Cependant, l’hybridité, solution largement plébiscitée, dépendra de la manière dont va évoluer le dialogue entre les pays de la Grande région, notamment sur la fiscalité et l’assurance maladie. En effet, si les travailleurs frontaliers doivent être affiliés à la sécurité sociale de leur pays respectifs et y payer leurs impôts dès qu’ils dépassent le nombre de jour télétravaillables, le présentiel risque de l’emporter. Par ailleurs, ceci aura également une incidence sur les métiers de l’Horeca, déjà très affectés par la crise.
Le point de vue de la fr2s
Même si on peut dire qu’aujourd’hui le télétravail a montré tout son potentiel, en termes d’efficacité et de productivité notamment, son extension à 5 jours sur 5 en a aussi démontré les limites : sentiment d’isolement, désengagement des collaborateurs, lassitude et même symptômes dépressifs. Le télétravail est loin d’être un modèle de cohésion en entreprise. Les relations sociales demeurent en effet vitales, et les échanges sont toujours plus naturels et efficaces en présentiel. Il faut garder à l’esprit que la distance physique favorise la distance mentale.
La nouvelle ère de professionnels qui se profile aura de grandes attentes en termes de flexibilité et d’agilité. Les horaires et les lieux de travail seront très probablement impactés par ce nouveau de marché de professionnels. La fr2s se positionne en faveur d’une hybridité entre télétravail et travail en présentiel, avec une bonne organisation à la clé. Organisation au point de vue matériel qui doit être garantie par l’entreprise, et organisation au niveau familial qui doit être assurée par le collaborateur. En termes de process de recrutement, nous sommes convaincus que rien ne pourra remplacer les échanges en face à face, et il est fort probable que le premier entretien entre un client et un candidat se fera plus systématiquement par visioconférence.
Le recrutement à distance peut en effet être remis en cause au niveau de sa fiabilité. Certaines choses ne peuvent être perçues si tout le processus de recrutement est effectué à distance. Dans un entretien présentiel, le recruteur perçoit bien plus de nuances et d’éléments qui renseignent sur la personnalité du candidat, ses qualités relationnelles, ses qualités de communication et bien sûr, sa motivation !