A l’occasion de l’assemblée générale de la fr2s qui s’est déroulée en février dernier, nous sommes allés à la rencontre de Myriam Muller (Administratrice Déléguée d’Advitek), Julie Mahaux (Country Manager au sein de Axis Group) et Nicolas Hurlin (Founding Partner, The Recruiter) pour discuter de leur adhésion à la fédération, de ses avantages mais aussi de déontologie et des principales tendances du secteur.
Pourquoi avoir rejoint la fr2s ?
Myriam Muller : Pour Advitek, la fédération représente une démarche de Qualité dans notre profession. Il est essentiel de pouvoir en disposer sur un marché de quasi plein emploi au Luxembourg. De plus, nous sommes aujourd’hui confrontés à des candidats ambitieux et qui sont très regardants quant à leur futur employeur. Nous nous devons donc de travailler avec eux de manière professionnelle et rigoureuse. D’où la nécessité d’une démarche déontologique sérieuse, claire, bien structurée et rigoureuse. Ceci permet à Advitek de sortir du lot au Luxembourg. Nous positionner en offrant le niveau de qualité requis, nous permet de nous placer au-dessus de la mêlée.
Nicolas Hurlin : Concernant The Recruiter, l’adhésion a pour but de disposer d’un alignement en termes de pratiques professionnelles sur un marché qui n’est pas réglementé et sur lequel ce que chacun considère comme bonne pratique est une donnée variable. Il est toujours intéressant d’échanger avec ses confrères, de s’aligner sur une pratique déontologique qui est acceptée et entendue sur le marché, par nos clients et nos candidats. Il est de notre devoir d’éduquer le marché et de sensibiliser les différentes parties prenantes aux règles du jeu du secteur du recrutement. Aujourd’hui, les règles du jeu ne sont pas forcément écrites. Nous avons donc tout intérêt à prendre les devants pour en parler.
Julie Mahaux : Depuis notre création au Luxembourg il y a 15 ans, nous nous sommes engagés à travailler avec professionnalisme et éthique envers nos candidats et envers nos clients. Pour Axis Group, rejoindre la Fédération du recrutement était une évidence puisque nous faisons déjà partie des deux autres fédérations nationales des autres pays où nous sommes présents, la Belgique et les Pays-Bas. Par expérience, nous savons donc que cette adhésion représente une opportunité de promouvoir un service de qualité tout en garantissant le respect d’une déontologie partagée par certains autres acteurs du secteur. En signant la charte de qualité, nous adhérons à des valeurs qui nous sont chères et qui permettent à nos clients et à nos candidats de travailler avec nous dans le respect, la confiance, la transparence et l’intégrité.
Quels sont les avantages d’adhérer à la fédération ?
MM : En plus de pouvoir échanger avec des professionnels du secteur et certains amis, la fédération, sous l’ombrelle de la FEDIL, se place au cœur de l’économie. Qui dit économie dit également “là où sont nos clients”. Adhérer à la fr2s permet aussi d’avoir un crédit supplémentaire en termes de sérieux par rapport aux candidats et aux clients. Cela donne une assise, un contexte à la démarche qui suivra, ce qui facilite l’approche, sachant que les pratiques professionnelles déontologiques s’enchaineront de manière naturelle.
JM : L’un des avantages est de pouvoir rencontrer d’autres professionnels du secteur, de pouvoir discuter avec eux des défis face auxquels nous sommes tous actuellement confrontés dans un marché du travail en constante évolution. Il est important pour nous de pouvoir échanger et collaborer avec des sociétés qui ont également décidé de défendre l’image de notre secteur et de continuer à en garantir sa plus-value dans le secteur de l’emploi.
NH : Avant tout, cela permet de rencontrer des cabinets de recrutement qui sont actifs sur d’autres marchés que le nôtre car il y a quand même une dominante juridico-financière pour ce type de secteur d’activités. En fait, on se rend rapidement compte que les problématiques sont les mêmes dans beaucoup de secteurs, qu’il s’agisse de l’informatique, des services, de l’industrie, de la finance, mais avec des niveaux d’expérimentation des secteurs d’activité qui sont différents. Typiquement, le secteur financier-juridique est, je pense, plus consommateur des cabinets de recrutement que d’autres. Il est donc intéressant de pouvoir échanger là-dessus. Enfin, abordons aussi l’importance de l’approche déontologique qui y est développée et partagée. Elle nous permet de disposer d’un porte-voix sur le marché. Enfin, les initiatives de la fr2s permettent également aux institutions étatiques telles que l’ADEM, le Ministère du travail et d’autres, de disposer d’un interlocuteur sur certains sujets liés aux problématiques d’emploi, de recrutement, etc.
En quoi la déontologie est-elle importante dans votre métier ?
MM : La déontologie est fondamentale car nous nous trouvons dans une époque où l’économie est extrêmement concurrentielle, avec des joueurs qui viennent du monde entier et qui essaient de travailler à Luxembourg en ne respectant pas toujours les codes que nous mettons en avant ici, au Grand-Duché. Nous défendons beaucoup des pratiques propres, éthiques, où l’être humain, la personne est au cœur de l’action, que ce soit le futur collaborateur que nous allons recruter, ou pour l’employeur en mettant tout en œuvre pour que le mariage puisse se faire de la meilleure des manières. Les enjeux sont donc fondamentaux car nous parlons de l’avenir d’un individu dans une entreprise. Ces sujets ne peuvent pas être pris à la légère. Le respect de la déontologie fait que nous puissions travailler en confiance avec les candidats et avec nos clients. Cela leur assure d’être traités avec respect, et les rassure sur le fait que les règles appliquées sont celles qui ont été établies. C’est important de dire : “voilà ce que nous faisons, et voilà la manière dont nous le faisons, en respectant ces règles-ci”.
JM : Aujourd’hui, il est impossible de se positionner comme acteur RH de qualité si nous n’appliquons pas des principes fondamentaux tels que donner un feedback complet aux candidats, veiller à conduire des entretiens exhaustifs avec ces derniers, leur donner une information claire sur les fonctions proposées, garantir la confidentialité des informations données par le client, … En résumé, nous ne pouvons établir une relation de confiance si nous n’adhérons pas à une méthodologie respectueuse de nos stakeholders.
NH : En effet, le candidat recherche aujourd’hui un interlocuteur de confiance et c’est en cela qu’un cabinet membre de la fr2s apporte un certain nombre de garanties. À un moment donné, le candidat souhaite savoir comment son parcours professionnel va être géré, quelle sera sa visibilité sur le marché… Ce sont des démarches hautement confidentielles et il est donc très important pour lui d’être rassuré sur l’approche déontologique du cabinet.
Quelles sont les tendances du recrutement à suivre en 2019 ?
MM : Dans le monde du recrutement il n’y a pas de mode, avec des choses qui viennent, durent six mois et puis s’en vont. Par contre, il y a des tendances de fond, et nous remarquons que nous allons très clairement vers le numérique. Cela étant, c’est justement parce que nous allons vers l’emploi d’outils dématérialisés qu’il est essentiel de pouvoir se baser sur des fondamentaux tels qu’une déontologie construite, suivie et appliquée dans un environnement respectueux de l’individu.
JM : Aujourd’hui, la tendance est de recruter des profils de plus en plus pointus maîtrisant des compétences très spécifiques. Nous devons donc être particulièrement attentifs lors de l’identification des candidats afin qu’ils répondent à l’aspect technique de la description de fonction. Mais notre plus-value en tant que partenaire RH est aussi d’accompagner nos candidats dans leur carrière et de déterminer avec eux quelle fonction va leur correspondre le mieux en fonction de leur personnalité et de leurs motivations. Nous nous devons d’être toujours plus proches de notre marché client et candidat pour garantir un service de qualité à dimension humaine.
NH : Nous sommes dans un marché de pénurie depuis quelques années. Je ne dirai pas que cela s’accentue mais plutôt que ça reste constant. La pénurie est locale, régionale et multi-pays. Il s’agit d’une forte tendance de fond, combinée à certains métiers qui se transforment. Aujourd’hui, ce sont ces deux phénomènes qui font que les recrutements sont de vrais enjeux pour les entreprises. D’un côté la pénurie, d’un autre côté une certaine forme d’évolution de compétences en lien avec différents phénomènes comme ceux dont nous parlions, avec la digitalisation en première ligne. Taux de chômage faible, pénurie de candidats, marché multilingues à Luxembourg contribuent à créer un marché de l’emploi relativement tendu et très favorable aux candidats présentant les meilleurs profils.
L’intelligence artificielle représente-t-elle un danger pour les cabinets de recrutement ?
MM : Allons-nous remplacer les recruteurs par des machines ? Là, nous en sommes encore loin. Aujourd’hui, il est encore difficile pour une machine de faire une interview en face à face comme le fait un recruteur avec un travail de fond sur l’expérience, la personnalité des candidats. Cependant, la tendance des outils numériques d’aide au recrutement est clairement amorcée. Les technologies n’ont de cesse de s’améliorer, et feront évoluer le métier de recruteur.
JM : Toute innovation technologique peut être utile si elle est utilisée à bon escient. Intégrer la technologie à nos services peut améliorer le processus de recrutement et nous rendre plus efficaces. Sans aucun doute, automatiser certaines tâches permet de gagner du temps aussi bien au niveau de notre suivi administratif que de notre travail de recrutement. Mais cela ne peut en aucun cas éliminer le relationnel qui, dans notre métier, reste fondamental. En effet, au vu des compétences, plusieurs candidats peuvent répondre aux critères attendus par une entreprise mais notre plus-value est surtout de déterminer pourquoi ce candidat pourra plutôt convenir à l’entreprise A et non à l’entreprise B. Le côté interpersonnel joue un rôle très important et garde toute son importance et cela, aucune machine ne pourra le remplacer.
NH : Concernant les métiers du sourcing, et notamment l’accès à l’information, à la connaissance de tel ou tel candidat, de son écosystème, etc, l’IA peut vraiment avoir un impact significatif. Aujourd’hui, un candidat, au-delà d’être visible sur un LinkedIn ou autres, va être visible sur des événements professionnels, des publications… Humainement, il est impossible pour un recruteur de screener complètement un marché au sens d’un pays, d’un secteur d’activité ou autres. A ce niveau-là, l’IA peut donc faire gagner énormément de temps, en permettant d’accéder et de rendre visible certaines informations auxquelles le recruteur ne peut pas accéder. Je partage cependant l’avis de mes collègues sur la phase de recrutement et sur l’importance de la relation humaine. Même s’il y aura des processus d’automatisation, à un moment donné, le recrutement et l’évaluation se réalisent autour d’une table afin d’échanger et d’évaluer les compétences et aptitudes en situation réelle…
Interview par Johanna Grosjean