Les nouveaux codes du recrutement

Alors que le taux de chômage continue de baisser au Grand-Duché de Luxembourg, profitant d’un marché dynamique naviguant dans une période de transformation digitale, Nous sommes allés à la rencontre des co-présidentes de la fr2s (Federation for Recruitment, Search & Selection), Nathalie Delebois et Gwladys Costant, pour discuter des attentes des nouvelles générations, mais aussi des nouveaux outils à disposition des recruteurs.

“Chaque génération a ses propres habitudes demandant aux recruteurs et spécialistes RH de s’adapter à ses nouveaux codes. Aujourd’hui, les jeunes talents sont particulièrement attirés par des projets qui donnent un véritable sens à leur carrière. Puis, ils n’hésitent pas à changer rapidement d’entreprise s’ils ne s’y sentent pas heureux et valorisés, et s’ils estiment que la promesse faite à l’embauche n’est pas respectée,” débute Nathalie Delebois. Ainsi, les employeurs doivent faire preuve d’une grande flexibilité à tous les niveaux : qu’ils s’agissent des horaires, de mobilité, de télétravail ou encore en terme d’outils proposés pour mener à bien leurs missions. La connectivité est effectivement un élément clé, le smartphone étant parfois même considéré comme le prolongement de la main, tant les nouvelles générations y semblent attachées. Comme l’explique Nathalie Delebois, “la marque employeur prend ainsi tout son sens : les jeunes sont très sensibles à l’ambiance au travail, aux membres de l’équipe avec lesquels ils évoluent. Avec le digital et via le mobile, les mauvaises réputations se propagent rapidement et peuvent affecter les recrutements”. Une absence totale de réputation peut également nuire à une société, comme le précise Gwladys Costant. Dès lors, il est nécessaire de trouver le juste milieu dans sa présence en ligne, tout en soignant sa stratégie de communication…interne comme externe.

Vers de nouvelles pratiques numériques ?

Ces habitudes et comportements digitaux amènent nécessairement les cabinets et les recruteurs à repenser leur visibilité et leurs manières de communiquer. Comme l’explique Nathalie Delebois, “les recruteurs travaillent actuellement sur des sites internet offrant la possibilité de postuler rapidement et intuitivement via son smartphone. Ils plébiscitent les outils de multi-diffusion et de multi-posting, afin de faciliter l’accès en répondant aux habitudes des candidats, via les canaux digitaux et notamment les réseaux sociaux”. En effet, et comme l’explique Gwladys Costant, “l’objectif étant bien entendu de faciliter l’envoi du CV, peu importe où l’on se trouve, et depuis un smartphone”.

Cependant, le revers de l’instantanéité, lorsque l’on combine digital et recrutement, réside dans le fait qu’on arrive bien souvent à une surconsommation de l’offre d’emploi, sans réel projet et intérêt derrière un envoi de Curriculum Vitae. “Ce qui a véritablement révolutionné le secteur, c’est cette capacité à postuler instantanément. Or, ce que l’on privilégie lors d’un recrutement, et notamment lorsque l’on poste une offre d’emploi, c’est la qualité et non la quantité. Finalement, dans ce monde toujours plus digital, l’outil le plus intéressant à utiliser serait peut-être une base de données qualitative, qui elle requiert un travail important,” souligne Gwladys Costant.

Concernant l’intelligence artificielle et ses promesses de révolution de toutes les industries, de la logistique à la finance, en passant par le recrutement, Nathalie Delebois cite Laurent Alexandre : “derrière l’IA se trouve l’intelligence biologique et l’Homme. Le challenge du DRH de demain est ainsi de faire l’interface entre cette nouvelle technologie et l’Homme, et ainsi d’intégrer des profils possiblement moins doués ou ayant moins d’affinités avec leurs collègues. En aucun cas nous ne remplacerons l’Homme par la machine. L’Humain et le conseil resteront au centre des préoccupations du recrutement”. Les expertes du recrutement considèrent donc l’IA comme un outil qui pourra être utilisé en complément de la compétence humaine, notamment lorsqu’il s’agit de screening. Elles précisent : “attention également à ne pas noyer les candidats avec des offres non conformes à leurs recherches. Cela a le don de les irriter et pourraient bien résulter en une perte de confiance envers le cabinet de recrutement”.

Les bonnes pratiques du recrutement dans une ère toujours plus numérique

Nathalie Delebois et Gwladys Costant soulignent également une transformation digitale inégale au sein des entreprises présentes au Grand-Duché de Luxembourg : “beaucoup sous-estiment encore l’impact de leur stratégie de communication. Or, dans une telle période de transformation digitale, le recrutement est avant tout une histoire de marque employeur. Nous n’insisterons jamais assez sur le besoin que les entreprises ont de soigner leur image sur les réseaux sociaux et sur internet de manière générale”. Il est donc également nécessaire de créer des “stars”, de recruter des ambassadeurs, et donc de donner la possibilité aux candidats de découvrir via ces personnes les valeurs de l’entreprise et de s’approprier sa culture.

Le facteur temps est également devenu un point clé du recrutement : si les candidats recherchent l’instantanéité, les collaborateurs en poste considèrent désormais des missions à court ou moyen termes. “Ils privilégient les projets captivants aux fonctions à long terme,” précise Nathalie Delebois. Plus encore, la révolution digitale en cours fait que de nombreux métiers apparaissent, disparaissent ou se transforment : il est aujourd’hui impossible de prévoir l’état du marché dans les 10 années à venir. De nombreux challenges se dressent ainsi face aux spécialistes RH.

Pour garantir le succès futur des entreprises, les expertes du recrutement prônent donc la collaboration entre les départements des ressources humaines et IT afin de permettre une utilisation optimale des nouvelles technologies : “les DRH doivent accompagner et prendre part aux projets de transformation digitale”.

Ainsi, dans un marché orienté candidat, le responsable des ressources humaines devient, dès l’entretien et même le contact initial, le premier ambassadeur de la société. En effet, l’approche “convaincre” est désormais totalement dépassée, et c’est quelques fois à l’entreprise de séduire le candidat. “Si les nouvelles technologies offrent de nouvelles perspectives aux forces en présence, ce sont bien l’authenticité et la transparence qui restent la clé pour créer une relation de confiance avec entre futurs collaborateurs et entreprises. Dans un environnement digital, il est important de réfléchir au ciment humain pour construire conjointement et dans la durée,” concluent Nathalie Delebois et Gwladys Costant.

Interview par Alexandre Keilmann et Johanna Grosjean

Publié le 29 novembre 2018 sur hrone.lu

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