La genèse de la fr2s pour un métier en pleine transformation

Cette semaine, rencontre avec Annie Burton (Manager chez Badenoch & Clark), Frédérique Sine (Senior HR & Recruitment Consultant Rowlands, a Randstad company), Rémi Fouilloy (Directeur de Morgan Philips Executive Search et FYTE) et Maxime Durant (Directeur de Michael Page Luxembourg) pour aborder la fondation, il y a 3 ans maintenant, de la fr2s (Federation for Recruitment, Search & Selection) mais également l’évolution du secteur et nécessairement de ses bonnes pratiques.

Pourquoi avoir participé à la fondation de la fr2s ?

Annie Burton : Le métier du recrutement permanent ayant énormément évolué ces quinze dernières années, la création d’une telle fédération était nécessaire au Luxembourg. Le nombre d’acteurs présents dans ce secteur a également fortement augmenté et il était extrêmement important pour nous de mettre en place un code de déontologie, de représenter l’expertise au Luxembourg et enfin de se réunir afin de promouvoir une image de qualité sur la place.

Maxime Durant : L’une des premières idées était peut-être de réguler un marché qui est très ouvert sur l’international. Aussi, il était crucial que nous puissions tous nous retrouver, en tant que spécialistes du domaine du recrutement afin d’échanger nos bonnes pratiques et nos idées. Puis Le fait de se réunir nous permet également d’influencer le marché et, dans une certaine mesure, de travailler de manière plus qualitative.

Frédérique Sine : De plus, la fédération permet de conseiller les candidats qui sont parfois assaillis de toute part par différents interlocuteurs, et ainsi de pouvoir leur donner un cadre un peu plus rassurant dans les pratiques. Le tout dans le but de les aiguiller efficacement dans leurs recherches d’emploi et de développer leur employabilité.

Rémi Fouilloy : Nous avons créé la fédération afin de promouvoir notre métier auprès des sociétés qui recrutent mais également auprès des candidats, et avec pour objectif d’avoir un organe représentatif de notre métier vis-à-vis de l’administration et de tous les acteurs qui sont en lien avec les problématiques d’emploi à Luxembourg.

Pourquoi faire partie du Conseil d’Administration de la fr2s ?

RF : Il s’agit d’un investissement personnel fort car cela demande du temps et surtout de l’implication. Cela nous permet aussi de participer activement aux sujets clés qui concernent le secteur du recrutement au Luxembourg : le code de la déontologie – qui a été rédigé avec l’accord de l’ensemble des membres et signé par l’ensemble des membres –  toutes les actions vis-à-vis de l’administration, de l’ADEM, de la presse, d’actions telles que l’appartenance à l’ECSSA, la fédération européenne des chasseurs de tête et cabinets de recrutement. L’idée est donc de participer à la vie de la fédération.

AB : Personnellement, je travaille dans le recrutement depuis 20 ans, et j’observe que de plus en plus d’acteurs arrivent dans ce secteur et n’ont pas forcément le professionnalisme des cabinets qui sont en place depuis de nombreuses années. Je trouvais donc important que l’on puisse échanger nos bonnes pratiques, tout en redorant notre image en créant un code de déontologie et en mettant en place une méthodologie approuvée par tous, pour in fine, améliorer la qualité de nos services. On ne peut pas s’autoproclamer “recruteur”, il s’agit d’un métier qui a des implications fortes, autant pour l’employeur que pour l’employé, pouvant avoir des conséquences positives ou dramatiques, en fonction du professionnalisme dont fait preuve le cabinet de recrutement. Enfin, bien sûr, faire partie du conseil d’administration de la fr2s permet d’être acteur dans son environnement et de prendre des initiatives.

MD : Le marché luxembourgeois est un terrain de jeu incroyable, au niveau international, pour beaucoup d’acteurs du recrutement. Pour rejoindre ce que dit Annie, il y a beaucoup d’acteurs du recrutement qui souhaitent travailler au Luxembourg mais qui n’y sont pas présents. Pour avoir connu d’autres marchés du recrutement dans d’autres pays, je peux affirmer que le marché luxembourgeois est aujourd’hui très peu régulé par rapport à ce qui peut se faire dans les pays frontaliers et voisins. Il y a donc une vraie volonté, de ma part et de la part de mon cabinet, de pouvoir être acteur en travaillant sur la mise en place de règlementations supplémentaires afin que ce terrain de jeu extraordinaire devienne un terrain de jeu qui soit un peu plus “fair” pour tout le monde.

FS : Faire partie du conseil d’administration est aussi l’occasion d’avoir la primeur des informations, des thématiques qui touchent le domaine du recrutement et d’être un véritable relais au sein de la fédération, mais également dans le groupe, en interne, pour tous les consultants qui nous rejoignent et qui n’ont pas nécessairement cette vision globale du marché. Ainsi, nous pouvons attirer leur attention sur les attentes des candidats et des clients, en termes de process et de suivi dans les mandats de recrutement.

Comment le métier du recrutement a-t-il évolué ces dernières années ? Quel est l’impact du digital sur celui-ci ?

FS : Il est vrai que nous sommes en pleine période de transformation digitale. Il faut l’accueillir positivement : cela permet, au niveau du sourcing des candidats, un gain de temps considérable et nous donne la possibilité de nous concentrer sur des aspects où l’Humain doit être mis en avant. Ainsi, nous dédions davantage notre temps aux entretiens approfondis, orientés compétences, afin de cibler au mieux les profils. L’idée est de s’adjoindre les bienfaits du digital pour se concentrer sur le cœur de notre métier qui est l’échange en face-à-face avec nos clients et nos candidats afin de définir au mieux leurs attentes respectives.

MD : Il est vrai que la recherche des candidats nous est facilitée par l’ensemble des outils digitaux et des réseaux sociaux. Le métier d’approche, de sélection et des ressources humaines de manière générale a fortement évolué et nous avons maintenant accès à une base de candidats est absolument énorme. Cela crée également des exigences plus fortes de la part de nos clients car ils attendent une réactivité plus importante puisque nous avons plus d’outils à disposition, sans que nous ne sacrifions la qualité d’évaluation de nos candidats. Nous devons donc coupler réactivité et qualité, alors qu’il y a encore une dizaine d’années la qualité primait sur la réactivité.

AB : Dans ce monde digital, les réseaux sociaux ont un très gros impact. Avant, nous connaissions simplement le nom de la personne et ses qualités décrites sur son CV. Aujourd’hui, lorsqu’un employeur reçoit une candidature, il peut se rendre rapidement sur LinkedIn et Facebook et voir comment la personne agit, se comporte, se présente, etc. Le métier du recrutement va évoluer avec les générations qui arrivent sur le marché du travail : les critères de choix, pour les employés comme pour les employés ont changé. Une personne qui sort de l’université aujourd’hui ne voit pas sa carrière comme on la voyait il y a trente ans. De nombreux éléments changent, et cela fait partie du plaisir qu’on éprouve à travailler avec l’être humain : nous sommes toujours dans une évolution, qu’elle soit digitale ou au niveau de la personne. Dans cinq ans, de nouveaux éléments s’y ajouteront sans doute et nous continuerons à évoluer.

RF : Le digital ne change pas seulement notre métier mais bien toutes les industries, ce qui demande de la part des professionnels du recrutement de se tenir informés de ces transformations. A titre d’exemple, des métiers qu’on ne soupçonnait pas il y a 5 ans existent désormais. Nous devons comprendre ce virage, cette transition, et l’impact que cela peut avoir sur les modes de travail des entreprises. On note une complexité plus importante à capter les bons candidats pour des clients qui ont eux-mêmes des environnements de travail qui sont très mouvants. Une notion reste très importante : la sélection et la nécessité de faire un bon match entre les compétences et un environnement de travail, et pas simplement de faire le lien entre une description de fonction et un CV. Les membres de la fr2s se réunissent justement autour de ces challenges. Le code de déontologie de la fr2s implique notamment d’avoir idéalement une rencontre physique avec les candidats, pour bien évaluer leurs compétences et leur savoir-être et comprendre leurs motivations. Si, comme le pense la majorité de nos clients, le digital et les réseaux sociaux aident à identifier plus facilement des talents potentiels, cela complexifie néanmoins la relation entre employeurs et candidats. Ces derniers, présents sur les réseaux sociaux, sont alors souvent passifs, ce qui implique que les cabinets deviennent encore plus essentiels ! Aujourd’hui, il n’est pas si facile que ça de trouver un bon CV sur un jobboard car les candidats ont moins le réflexe de le déposer… sauf s’ils sont en recherche active.

Interview par Alexandre Keilmann & Johanna Grosjean

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